Restreindre la liberté individuelle de se coiffer ne peut se faire qu’à certaines conditions objectives et proportionnées, liées à l’emploi et ses exigences – l’apparence physique en lien avec le sexe n’en est pas une et constitue une discrimination !
Tout salarié d’une entreprise doit respecter les règles et procédures en vigueur dans son entreprise. C’est d’ailleurs généralement le règlement intérieur qui les prévoit, sorte de code de conduite applicable en interne qui, lorsqu’il n’est pas respecté, peut aboutir à des sanctions disciplinaires. On peut par exemple y retrouver des obligations en matière de tenue vestimentaire ou encore de neutralité pour interdire le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail.
De telles restrictions de libertés individuelles ne peuvent cependant pas être imposées sans motif valable. C’est ce que le code du travail pose comme principe en interdisant à tout règlement intérieur de contenir « des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » (L.1321-3 du code du travail). Elles doivent être imposées à tout salarié peu importe entre autres « son sexe, son identité de genre ou son apparence physique» en vertu du principe de non-discrimination, à moins qu’une telle différence de traitement ne soit autorisée parce qu’elle « répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée » (L.1133-1 du code du travail).
Un employeur peut alors obliger ses salariés, placés dans la même situation de travail, à porter des chaussures de sécurité, un casque, une charlotte lorsqu’il s’agit de protéger leur santé et d’assurer leur sécurité ou de respecter des obligations sanitaires.
Il peut aussi exiger d’eux qu’ils revêtent une tenue vestimentaire pour représenter la marque employeur auprès de clients, ou au contraire interdire certaines tenues à d’autres comme ce fut le cas d’une salariée à qui l’employeur avait demandé de ne pas se présenter au travail en survêtement parce qu’elle était en contact avec la clientèle de l’agence immobilière (Cour de Cassation, Chambre sociale, du 6 novembre 2001, 99-43.988, Publié au bulletin).
Mais l’employeur peut-il valablement autoriser une coiffure aux femmes et dans le même temps, l’interdire aux hommes ?
C’est la question posée à la Cour de cassation par un steward coiffé de tresses africaines nouées en chignon et empêché pour cette raison d’embarquer par son employeur « au motif qu’une telle coiffure n’était pas autorisée par le manuel des règles de port de l’uniforme pour le personnel navigant commercial masculin », puis obligé de porter une perruque masquant sa coiffure pour exercer ses fonctions ».
La réponse est non, pour les raisons suivantes :
- La volonté d’une société de préserver son image ne peut objectivement justifier l’interdiction d’une coiffure propre et soignée ne contrevenant nullement aux nombreuses exigences de cette société en matière d’apparence et plus particulièrement de coiffure ;
- L’interdiction faite au steward de porter une coiffure, pourtant autorisée par le même référentiel relatif au personnel navigant commercial féminin, caractérisait une discrimination directement fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe ;
- La perception sociale de l’apparence physique des genres masculin et féminin, sur laquelle s’était fondée la Cour d’Appel pour justifier une telle différence de traitement, ne peut pas constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement.
Cass. Soc., 23 novembre 2022, n°21-14.060, Publié au bulletin