Restructuration d’entreprise : en cas de changement d’employeur, le salarié doit-il conserver ses responsabilités initiales ?

Lorsqu’une entreprise connaît une restructuration, la situation juridique de l’employeur est souvent amenée à être modifiée, notamment par l’arrivée d’un repreneur via diverses opérations : vente, fusion-absorption…

Les contrats de travail sont alors « transférés » au profit de ce repreneur, c’est-à-dire leur nouvel employeur.
En pratique, ces transferts de contrats entraînent souvent certaines difficultés pour les salariés concernés… ce qui amène à de nombreux contentieux. Nous vous présentons, dans ce numéro du Flash Infos, la dernière affaire sur ce sujet traité par les juges.

En matière de restructuration d’entreprise, il existe un principe général à respecter : En cas de changement d’employeur, l’article L.1224-1 du Code du travail prévoit que les contrats de travail en cours subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise et ce, dans les conditions mêmes où ils étaient exécutés au moment de la modification (Chambre sociale de la Cour de cassation, 13 mai 1982, nº 80‐40.853).
Ainsi, toute modification du contrat de travail (autre que le changement d’employeur) sera subordonnée à l’acceptation du salarié (par exemple : si le nouvel employeur souhaite changer sa durée du travail).
Qu’en est-il lorsque le nouvel employeur souhaite, pour des raisons d’organisation, modifier les responsabilités dévolues précédemment au salarié « transféré » ?

Dans l’affaire présentée devant les juges le 9 novembre 2022, une salariée – occupant les fonctions de « responsable gestion consommable et produits annexes » – avait connu une diminution de ses responsabilités à la suite d’une restructuration (fusion-acquisition). Certaines de ses missions avaient été supprimées. Compte tenu de cette diminution des responsabilités, la salariée a présenté une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, en considérant que les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail avaient été violées.

Dans un premier temps, la Cour d’appel de Douai a rejeté la demande de la salariée car elle estimait :

  • D’une part, que la taille de la société absorbante (nouvel employeur) était plus importante. La salariée ne pouvait donc « prétendre à des responsabilités équivalentes à celles qu’elle exerçait précédemment » ;
  • D’autre part, qu’aucune modification du contrat de travail n’avait été imposée à la salariée dans la mesure où « l’essentiel des activités confiées à la salariée précédemment lui était maintenu, même si d’autres avaient déjà été attribuées à des salariés de la société absorbante ».

Néanmoins, la Cour de cassation n’est pas de cet avis.
Cette juridiction a retenu que la réduction de responsabilités et la suppression d’une partie des fonctions de la salariée constituaient bel et bien une modification de son contrat de travail, qu’elle était en droit de refuser.
En rendant une telle décision, la Cour de cassation entend lutter contre l’instabilité juridique engendrée par les situations de restructuration de l’entreprise. Elle entend également garantir le maintien de l’emploi à chacun des salariés dans une situation telle que le transfert d’entreprise. Si les contrats de travail doivent être conservés, les responsabilités et les fonctions du salarié doivent l’être également.
Chambre sociale de la Cour de cassation, 9 novembre 2022, nº 21‐13.066 F-D