La collecte de preuves destinées à démontrer l’existence d’une inégalité salariale reposant sur une discrimination en raison d’un des motifs interdits par la loi tels le sexe, l’identité de genre, l’âge, l’origine, l’opinion ou l’orientation politique, religieuse ou syndicale n’est pas toujours aisée à recueillir.
D’autant plus qu’en cas de contentieux en la matière, c’est à la personne qui s’estime victime de présenter « des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte » (L1134-1 du code du travail).
Pour pallier cette difficulté et le rapport de force inégalitaire au détriment des salariés, il existe en droit civil la possibilité de demander à une juridiction, à qui l’on a exposé le ou les motifs légitimes de penser qu’il y a discrimination, qu’elle ordonne à l’employeur la délivrance de preuves permettant de justifier de l’inégalité salariale (article 145 du code de procédure civile). Charge ensuite à l’employeur concerné de démontrer que cette différence de traitement est justifiée par une raison objective étrangère aux motifs prohibés ci-dessus.
Cette faculté est ouverte à tout salarié, y compris lorsqu’il n’a pas encore saisi le conseil des prud’hommes pour contester la discrimination, et quand bien même il existe une mention spécifique dans l’article précité du code du travail qui évoque la possibilité pour le juge, en cours d’instruction donc de procès, « d’ordonner, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles » (Cass. soc., 22 septembre 2021, n° 19-26.144). En l’occurrence, un salarié titulaire de mandats syndicaux et représentatifs, s’estimait victime de discriminations notamment syndicale, et demandait que sa société lui communique plusieurs informations pour lui permettre de comparer sa situation avec celle de ses collègues de travail.
Le mois dernier, la Cour de cassation a une nouvelle fois fait droit à une demande similaire d’une salariée afin qu’elle puisse présenter des éléments laissant présumer l’existence de l’inégalité salariale alléguée, et ce sur le même fondement juridique du code de procédure civile. Les juges ont obligé son employeur à lui fournir les bulletins de paie de huit collègues masculins « occupant des postes de niveau comparable au sien dans des fonctions d’encadrement, commerciales ou de marché ».
La Cour ajoute même, à cette occasion, que ces fiches de paie, bien qu’elles contiennent certaines données personnelles relatives à la vie privée des salariés concernés, doivent être communiquées à la salariée parce qu’il s’agit d’éléments « indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnés au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de la salariée à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail ». Le juge est seul à décider si ces éléments sont décisifs et nécessaires à la défense de la salariée, peu importe l’existence des règles relevant du RGPD.
Cass. soc., 8 mars 2023, n° 21-12.492