Précisions sur les « contours » de la vie privée au travail : vigilance sur les données issues de vos ordinateurs professionnels

Le 2 octobre 2001, les juges ont posé un grand principe en droit du travail, selon lequel « le salarié a droit même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances » (Chambre sociale de la Cour de cassation, 2 octobre 2001, n°99-42.942).

Mais où commence et s’arrête cette vie privée au travail ? Revenons plus en détail sur ce sujet.

Les juges ont eu l’occasion, à de nombreuses reprises, de se positionner sur l’étendue de cette notion de vie privée au travail et notamment, dans le cadre de l’utilisation des NTIC.

De manière générale, les juridictions considèrent que tout ce qui n’est pas identifié comme « PERSONNEL » sur l’ordinateur professionnel du salarié est présumé comme étant professionnel.

Il en va ainsi pour les dossiers et fichiers n’ayant pas été identifiés comme « personnels » par le salarié.
En effet, les juges ont estimé que « les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors de sa présence ». (Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-48.025).

Une solution similaire a été rendue s’agissant de la clé USB connectée à l’ordinateur professionnel.
(Cass. soc., 12 février 2013, n°11-28.649).

Dès lors que le document et/ou fichier concerné n’est pas identifié comme « personnel », son caractère professionnel est présumé. L’employeur peut donc librement le consulter, voire l’utiliser dans le cadre d’une procédure. 

Récemment, les juges ont apporté de nouvelles précisions en la matière à propos de l’agenda électronique du salarié.

Dans une affaire en date du 9 novembre 2022, une salariée avait contesté le fait que son employeur utilise des copies de son agenda électronique comme moyens de preuve dans le cadre d’un contentieux prud’homal (entre autres, il lui reprochait l’accomplissement d’actes de concurrence déloyale). 

Dans un premier temps, la Cour d’appel de Paris a donné raison à la salariée, en considérant qu’il s’agissait de l’agenda personnel de la salariée. Or, l’employeur ne justifiait pas d’une obtention régulière des informations obtenues.

Mais la Haute Juridiction ne partage pas ce raisonnement : même s’il s’agissait de l’agenda électronique personnel de la salariée, ce dernier était disponible sur son ordinateur professionnel. D’après son analyse, les pièces extraites de son agenda électronique n’avaient pas été identifiées comme « personnelles » par cette salariée.

En conséquence, l’agenda électronique de la salariée pouvait être librement consulté par l’employeur, étant précisé qu’il pouvait en extraire les informations souhaitées afin de s’en prévaloir dans le cadre de cette action en justice.

À bien y regarder, cette récente solution s’inscrit dans la continuité des décisions rendues par les juridictions en matière de contrôle numérique des salariés.

Il est toutefois à noter que ce principe jurisprudentiel tend à s’élargir à divers outils informatiques : les fichiers, les mails, la clé USB… et maintenant l’agenda électronique ! Qui sera le prochain ?!

Ce qui est certain, c’est que le salarié a tout intérêt à bien délimiter sa sphère privée sur ses heures et lieu de travail. Attention aux éventuels oublis de délimitation !

Chambre sociale de la Cour de cassation, 9 novembre 2022, n°20-18.922