L’intéressement des salariés à l’entreprise est un dispositif permettant d’associer les salariés aux résultats et aux performances de l’entreprise. L’accord d’intéressement doit être conclu avant le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d’effet. Par ailleurs, l’accord d’intéressement doit être déposé auprès de l’administration dans un délai de 15 jours suivant la date limite de conclusion. Tout retard entraîne la perte du droit aux exonérations sociales.
Par exemple : « Pour une entreprise dont l’exercice correspond à l’année civile, la date limite de conclusion d’un accord prenant effet au 1er janvier d’une année N est le 30 juin de cette année N, et celle de dépôt de l’accord, le 15 juillet de la même année. » La jurisprudence reconnaît, de manière constante, l’importance pour le CSE de pouvoir rendre un avis éclairé sur des décisions aussi importantes qu’un PSE, un projet de licenciement collectif pour motif économique ou toute autre décision affectant la marche générale de l’entreprise.
Pour ce faire, les juridictions rappellent régulièrement l’obligation qui incombe à l’employeur d’informer largement le CSE et lui laisser le temps nécessaire à la réflexion et à l’analyse de tous les documents utiles à la compréhension de la situation, que ce soit lui directement en tant qu’instance de dialogue social ou l’expert qu’il désigne pour l’accompagner dans cette mission.
La Cour d’Appel de Versailles a annulé en mars et en mai dernier des décisions administratives d’homologation d’un document unilatéral portant sur un PSE pour irrégularité de la procédure d’information et de consultation étant donné l’impossibilité pour le CSE de formuler un avis en toute connaissance de cause sur le projet et l’ensemble des documents remis.
La Cour de cassation rappelle en mai que l’employeur est obligé de transmettre à l’expert-comptable mandaté par le CSE dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi tous les éléments nécessaires à la réalisation de sa mission. Cela comprend bien évidemment les informations devant figurer dans la base de données économiques, sociales et environnementales que l’employeur doit mettre à disposition du CSE mais aussi toute autre donnée nécessaire à la réalisation de la mission d’expertise.
Vous trouverez ci-dessous une synthèse de trois décisions :
CAA Versailles 9-3-2022 n°21VE03335, CSE de l’UES L’Equipe
En l’espèce, un projet de réorganisation entrainant un projet de licenciement collectif pour motif économique a été soumis à la procédure d’information et de consultation du CSE le 3 novembre 2020. Dans ce cadre, l’instance avait sollicité l’assistance d’un cabinet d’expertise. Le 3 février 2021, le CSE refusant de rendre un avis, la société saisit le direccte pour homologation de son document unilatéral fixant le contenu du PSE. Le 5 mars 2021, le CSE saisit la société d’une demande de compléments d’information relatifs à l’impact du projet en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail.
La société retire alors la demande d’homologation qu’elle avait déposée puis élabore en réponse un document de 99 pages contenant des éléments nouveaux, qu’elle transmet au CSE le 7 avril 2021 puis lui présente lors de deux réunions au cours du mois d’avril 2021. Le 5 mai 2021, la société sollicite à nouveau le direccte, lequel homologue le document unilatéral de la société portant sur le projet de licenciement collectif pour motif économique le 21 mai 2021.
Etant donné les délais très courts qui ont séparé la transmission de ce nouveau document des deux réunions, le CSE estime qu’il n’a pas pu bénéficier de l’assistance de l’expert précédemment désigné, malgré une démarche en ce sens pourtant, afin de formuler un avis éclairé en toute connaissance de cause sur le contenu de ce nouveau document. Le CSE a donc saisi le Tribunal administratif pour annulation de la décision d’homologation, cette demande a été rejetée. Il forme alors appel.
Par décision du 9 mars 2022 la Cour administrative d’appel de Versailles a jugé que la procédure de consultation du CSE était irrégulière puisque la société n’avait pas mis en mesure le CSE de bénéficier de l’assistance d’un expert pour examiner les éléments transmis le 7 avril 2021. Dès lors, le CSE était fondé à soutenir la demande d’annulation de la décision d’homologation, du 21 mai 2021, du document unilatéral de l’employeur portant sur le PSE.
CAA Versailles, 4e Chambre, n°22VE00604 du 17 mai 2022
En l’espèce, un projet de fermeture d’un établissement et de licenciements a été soumis à la procédure d’information et de consultation du CSE. Dans ce cadre, l’instance avait sollicité l’assistance d’un cabinet d’expertise.
Cependant, l’employeur refusait de transmettre l’ensemble des documents sollicités par l’expert mandaté. Cela avait eu pour effet de rendre impossible l’établissement du rapport d’expertise dans les délais impartis. Dans ce contexte, le CSE estimant n’avoir pas à sa disposition d’informations suffisantes a refusé de rendre un avis sur le projet.
L’Administration a homologué le document unilatéral de l’employeur portant le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Le CSE a saisi le Tribunal administration pour annulation de la décision d’homologation, cette demande a été rejetée. Le CSE a fait appel, avec pour défense « que la procédure d’information consultation était irrégulière, dès lors qu’il n’avait pas été en mesure de rendre un avis en toute connaissance de cause, eu égard à l’impossibilité pour l’expert de rendre un rapport en raison des carences de l’employeur dans la transmission des informations demandées ».
Par décision du 17 mai 2022 la Cour administrative d’appel de Versailles a jugé que la procédure de consultation du CSE était irrégulière, la Cour a annulé la décision d’homologation du document unilatéral de l’employeur portant sur le PSE. En effet, la Cour a estimé que la procédure d’information consultation du CSE était irrégulière parce que l’expert n’avait pas été en mesure de lui remettre son rapport dans le délai imparti car les demandes de précisions de l’expert à l’employeur étaient restées sans réponse. La Cour estime que le CSE ne pouvait pas émettre un avis en toute connaissance de cause sur le projet de restructuration.
Cour de Cassation, Chambre sociale, 18 mai 2022, pourvoi n°20-21.444
Le CSE décide de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi le 22 octobre 2019.
Quelques semaines plus tard, dans le cadre de sa mission, le cabinet d’expertise demande en vain, à trois reprises, à l’employeur de lui fournir des informations sociales individuelles supplémentaires.
Pour justifier son refus, l’employeur soutient entre autres qu’il n’est tenu de communiquer au CSE, dans le cadre de cette consultation annuelle, que la base de données économiques, sociales et environnementales.
La Cour de cassation confirme ici la condamnation de la société par la Cour d’Appel à transmettre à l’expert, dans un délai de 10 jours, les informations individuelles qu’il a demandé au motif que « l’employeur fournit à l’expert les informations nécessaires à l’exercice de sa mission ». En l’occurrence, la production des éléments demandés s’avérait nécessaire à la réalisation de la mission d’expertise puisqu’ils étaient « de nature à permettre une analyse complète sur 20 % de la population exclue des données fournies par l’employeur, en matière de promotion, de qualification et d’égalité professionnelle entre hommes et femmes, et ce sur la totalité du périmètre social, alors que l’agglomération des données produites par la société était susceptible de fausser l’analyse ».